Évaluation des vulnérabilités sectorielles

Dernière modification: 31 mai 2022

L’importante exposition de la Tunisie aux changements climatiques se marque principalement dans les ressources en eau, les productions agricoles, l’équilibre des écosystèmes naturels, le littoral, la santé, et le tourisme. La capacité d’adaptation de ces secteurs face aux impacts attendus est jugée modérée à faible.

Les projections climatiques selon le modèle RCP8.5, indiquent que les ressources en eau seront particulièrement exposées à :

  i) L’augmentation de la demande en eau et des conflits d’usages ;

 ii) La surexploitation des nappes souterraines ;

 iii) La baisse des stocks d’eau, et

 iv) La dégradation de la qualité des eaux y compris la salinisation des nappes littorales.

 Les pertes totales en ressources en eau de ces nappes à l’horizon 2050, ont été évaluées à environ 220 millions de m3 par an, ce qui représente environ 75% de l’ensemble des ressources phréatiques littorales. La capacité d’adaptation du secteur de l’eau face à ces impacts est jugée modérée à faible. Les groupes d’individus les plus vulnérables sont composés en zones rurales des femmes agricultrices, et des enfants, ainsi que des agriculteurs possédant de petites superficies. Les groupes les plus vulnérables en zones urbaines et péri-urbaines sont composés des populations pauvres, des chômeurs, et des personnes âgées.  La vulnérabilité est également plus importante au niveau des ressources en eau du Centre et du Sud de la Tunisie et des nappes côtières dont les pertes totales en ressources en eau à l’horizon 2050, ont été évaluées à environ 75% de l’ensemble des ressources phréatiques littorales. De plus, une forte variabilité spatiale des ressources en eau met en exergue une forte exposition aux effets du changement climatique au Centre et au Sud Tunisien.

Les projections climatiques prévoient une augmentation de la fréquence et de l’intensité des sécheresses. Celles-ci affecteront notamment la production en céréales qui chuterait de près de 40% à l’horizon 2050 selon le scénario RCP8.5. La baisse des rendements qui affectera les productions oléicoles pourrait atteindre 32%. La part de la production agricole dans le PIB national accuserait une diminution de 5% à 10% en 2030, selon les scénarios d’ouverture économique du secteur agricole. Les impacts se traduiront notamment par une baisse des rendements et la réduction de la superficie des cultures arboricoles et céréalières, une perte de la fertilité des sols et de la superficie des terres cultivables. La plus forte vulnérabilité est observée au Centre et au Sud Tunisien, et le niveau de vulnérabilité est particulièrement critique dans le Sud (Est et Ouest).

Les projections climatiques prévoient un nombre plus élevé de journées de canicules, un stress hydrique plus important ou encore des précipitations irrégulières. Ces impacts provoqueraient une diminution des opportunités de remontée biologique, de multiplication des espèces naturelles et de renouvellement du stock des graines dans les sols des parcours, des steppes et sous les forêts. Ces impacts affecteront les rendements des écosystèmes naturels en produits forestiers ligneux et non ligneux et fourragers. De fortes pertes sont à prévoir dans le Sud tunisien où se trouve la majeure partie du pastoral disponible. Ainsi, les aires favorables aux plantes pastorales risquent de diminuer de 19 % en moyenne et de remonter vers le nord de la Tunisie.

Sur le littoral tunisien, les changements climatiques seront accompagnés par une élévation du niveau de la mer (ENM) ainsi qu’une augmentation de la température, de la salinité et de l’acidité des eaux. Ces effets des changements climatiques entraineront d’autres impacts tels que la perte d’espaces bâtis, d’infrastructures côtières et agricoles littoraux, l’érosion du trait de côte ou encore la dégradation des écosystèmes littoraux. Ainsi, en zone côtière, plus de 3100 hectares de zones urbaines sont jugées vulnérables et menacées de submersion. Par ailleurs, sur le domaine littoral tunisien oriental une bonne partie de la ressource hydrique est fournie par les nappes phréatiques côtières qui présentent une forte vulnérabilité face à l’ENM aux conséquences de la salinisation. Ainsi, 44% des côtes tunisiennes sont classées vulnérables à très fortement vulnérables, tandis que les côtes moyennement vulnérables représentent 24% et celles faiblement à très faiblement vulnérables se situent autour de 32%.

Les principaux impacts sanitaires dus aux changements climatiques concernent la recrudescence et l’émergence des maladies à transmission vectorielle ; l’augmentation de l’incidence des maladies à transmission hydrique et alimentaire ; l’aggravation des maladies en relation avec la pollution atmosphérique et l’augmentation de la fréquence et de l’Intensification des effets sanitaires des inondations. Ainsi, une réapparition des maladies éradiquées est envisageable, notamment le paludisme. On pourrait également craindre l’émergence de nouvelles maladies encore absentes du territoire comme la fièvre à virus Chikungunya ou la fièvre à virus Zika, qui sont présentes sur le continent Africain. Il existe un risque réel de recrudescence des maladies hydriques et alimentaires. A ceci s’ajoute l’effet des inondations avec le risque de destruction de l’infrastructure de distribution de l’eau potable et celle de l’assainissement et la contamination des eaux de surface et souterraine. Enfin, sous l’effet d’une action de la pollution par les particules fines et l’ozone couplée à celle des allergènes polliniques, les maladies respiratoires pourraient être exacerbées.

L’accélération de l’élévation du niveau de la mer (ENM) constitue une menace majeure pour le tourisme qui reste essentiellement balnéaire en Tunisie. Le retrait du trait de côte se fait à des vitesses souvent comprises en 0.5 et 1.5 m/an, et près de 440 km de côtes, soit 26,6 % du littoral tunisien, ont été évalués comme présentant une vulnérabilité très forte à la submersion marine et à l’érosion. Cela concerne en particulier les golfes de Hammamet (40 % du total de ses plages), de Tunis (30 % du total de ses plages) et à moindre degré au niveau des îles de Djerba et de Kerkennah (respectivement 24 % et 14 % du total de leur plages). Bien que le secteur consomme moins de 1% du potentiel en eau du pays, le stress hydrique que la Tunisie connait déjà sera renforcé ce qui aura des répercussions sur les aménagements touristiques en termes de coût d’exploitation et de sécurité sanitaire. L’intensification des vagues de chaleur devrait également affecter financièrement le secteur dans leur gestion de l’énergie, notamment dédiée à la climatisation des bâtiments. Enfin, la fragilité des emplois constitue une conséquence directe de la perturbation de l’activité touristique. La perte moyenne d’emplois due au phénomène du changement climatique aux horizons de 2030 est estimée à 1000 emplois par an.